Un candidat ceinture noire de Karaté, parlant 6 langues ou ayant fait le tour du monde est toujours impressionnant ! Le piège est de se laisser impressionner par ces caractéristiques même si elles ne sont pas pertinentes pour le poste. Ce raccourci mental très courant chez les recruteurs est également appelé biais d’extraordinaireté. Il consiste à favoriser un candidat possédant une caractéristique qui sort de l’ordinaire, en oubliant l’essentiel, à savoir les compétences attendues pour le poste. Dans cet article, nous disséquons ce biais pour comprendre ce qui se joue lorsqu’un recruteur y fait face et comment s’en prémunir.
Tout comprendre du biais d’extraordinaireté en un clin d’œil
Maud Grenier, experte et entrepreneuse RH engagée, a elle aussi été bluffée par l’expérience hors du commun d’un candidat lors de la réception d’un CV. Dans le podcast « Histoires de recruteurs », elle nous explique son expérience : “Après avoir travaillé pendant 5 ans en agence de recrutement, j’intègre une start up dans le domaine de la robotique. Cette entreprise est dirigée par deux entrepreneurs visionnaires et chercheurs, très attirés par les profils extraordinaires ou les personnes avec des expériences atypiques. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils m’ont recruté car j’avais également un parcours entrepreneurial. Au sein de cette entreprise, j’avais pour objectif de recruter un ou une ingénieur.e en conception mécanique. Nous avons préparé avec mes dirigeants la scorecard et la prise de brief avec une méthodologie structurée. J’identifie un candidat passionné de mécanique industrielle qui avait créé son propre garage et qui réparait des voitures anciennes. Ce candidat savait se montrer très persuasif et racontait très bien son histoire. Je trouve que son mindset correspond à celui de l’entreprise. Je l’introduis donc auprès du directeur du développement pour passer l’entretien technique. Il trouve qu’il a en effet le bon mindset mais que ses compétences techniques sont insuffisantes pour le poste. Pendant l’entretien que j’avais eu avec lui, je n’avais pas suffisamment creusé ce point.”
Que s’est-il passé pendant cet entretien ?
Lorsqu’un recruteur est sensible au dépassement de soi, il va être plus disposé au biais de l’extraordinaireté. Dans cet exemple, le recruteur a surévalué une compétence hors du commun d’un individu. Ce biais peut discriminer d’autres candidatures qui n’auront pas de particularités sur leur CV. Tous les postes en entreprise n’ont pas besoin de ces coups d’éclats et surtout ils peuvent ne pas correspondre aux compétences attendues. Maud nous explique comment elle a fini par s’en apercevoir et les solutions mises en place pour y remédier.
Quelle stratégie mettre en place pour limiter ce biais ?
“À cette époque, mon expérience du recrutement s’était surtout forgée au sein d’agences de recrutement. L’évaluation des soft skills comme des compétences techniques étaient moins de notre ressort. En agence, nous ne suivons pas la totalité du processus de recrutement. En arrivant dans cette entreprise, il était assez nouveau pour moi de prendre part à un processus de recrutement complet avec une méthodologie, un screening, un entretien technique et une “culture” interview. Lorsque l’étape de l’entretien technique arrivait, j’avais beaucoup de frustration car les candidats que j’avais choisis ne la passaient pas alors que je les avais présentés avec enthousiasme. Par conséquent, les managers m’ont demandé de mieux filtrer les compétences techniques. Grâce à la scorecard, nous avons identifié celles que je pouvais évaluer dès le screening ce qui m’a permis de mieux sélectionner les candidats. Grâce à cette discussion et cette collaboration entre nous, nous sommes arrivés à ajuster le processus et à atténuer le biais d’extraordinaireté.”
Quels sont les autres conseils pour limiter ce biais et avoir des recrutements plus objectifs ?
“Lorsque je suis arrivée dans cette entreprise, je me suis aperçue que mon process de recrutement n’était pas suffisamment structuré notamment dans les questions que je posais. C’est grâce aux rencontres que j’ai faite, aux webinars que j’ai suivi que j’ai pu me rendre compte de la nécessité de le faire. Voici 5 bonnes pratiques à mettre en place :
Bien structurer la scorecard. Il s’agit d’une fiche qui va permettre de définir ce que l’on attend d’un candidat, en termes de compétences techniques mais aussi d’état d’esprit. Pour la petite anecdote, son principe vient de cartes à collectionner représentant des joueurs de baseball avec leurs compétences inscrites dessus. Cette idée a été transposée au recrutement. L’idée est d’y inscrire les compétences techniques, l’état d’esprit, le processus de recrutement, les critères d’évaluation des compétences, les questions tant pour la partie management que RH ainsi que les comportements attendus de la part des candidats. Cette scorecard est aussi importante pour les recruteurs que pour les managers. Même si des managers pensent qu’ils n’en ont pas besoin pour recruter, il faut leur expliquer pourquoi elle est essentielle au bon fonctionnement du recrutement.
Intégrer plusieurs acteurs au processus de recrutement. C’est une bonne façon de limiter les biais. Je propose souvent aux managers d’être accompagnés pour mener les entretiens de recrutement. Cela permet d’échanger avec une autre personne et de réduire les biais.
Faire des pauses dans le processus. Nous avons tendance à vouloir recruter trop rapidement. Cette course au recrutement est due à la pression opérationnelle, mais aussi au fait que nous pouvons être tellement enthousiasmés par une candidature que nous voulons embaucher le candidat le plus vite possible. A mon avis, se précipiter est une erreur. Il faut prendre le temps d’en discuter avec le manager, recueillir son avis et échanger. Cette étape est indispensable notamment pour lutter contre les biais.
Bien rédiger les offres d’emploi. Il s’agit de la première impression que les candidats vont avoir de l’entreprise et de la porte d’entrée vers le poste. Pourtant, les recruteurs ont tendance à les négliger un peu et à faire des copier-coller des précédentes annonces. Dans les startups, les recruteurs recherchent souvent les mêmes profils, soit des personnes agiles et flexibles d’où la tentation de dupliquer les annonces. C’est une erreur car l’annonce doit être le reflet de la scorecard qui doit être revue pour chaque nouvelle proposition de poste. En outre, la diversité des profils est essentielle pour rendre l’équipe plus forte et plus créative.
En finir avec le CV. Toute la question qui se pose aujourd’hui est de savoir si le CV est encore nécessaire. J’aurais tendance à dire qu’il vaudrait mieux arrêter de recruter sur CV et s’en tenir à la scorecard avec un entretien bien structuré.
Le mot de la fin ?
3 conseils à retenir :
Prendre du temps avec les managers pour comprendre ce qu’ils recherchent et établir le scorecard ensemble. Bien identifier les comportements qui vont aider à la fiabilité et à l’inclusivité du recrutement.
Se positionner en tant qu’expert du recrutement vis-à-vis des managers. Le recruteur doit prendre la posture de coach pour aider les managers à mieux recruter. Pour cela, il est indispensable de former les recruteurs afin qu’ils apprennent à mieux les convaincre, négocier avec eux et savoir répondre à leurs objections
Professionnaliser le recrutement en proposant des formations aux managers et à toutes les parties prenantes du recrutement. Ces formations sont essentielles notamment pour mieux comprendre les biais, avoir conscience des siens, savoir rédiger des annonces et s’emparer de chaque étape d’un recrutement structuré. C’est aussi la condition sine qua none pour rendre les recrutements équitables et justes.
En conclusion
Qui ne serait pas impressionné ou enthousiaste par un candidat avec des caractéristiques extraordinaires et avoir envie de l’embaucher sur le champ ? Malheureusement, ce serait une mauvaise idée de tirer des conclusions hâtives sur ces expériences certes extraordinaires mais souvent non pertinentes pour le poste à pourvoir. La scorecard et l’entretien structuré sont vos meilleurs atouts pour en atténuer l’impact. Envie de tester ? Utilisez WeSuggest pour identifier en un clic les soft skills à évaluer chez vos candidats, et appuyez-vous sur le rapport de restitution ainsi que sur le guide d’entretien structuré intégré !