WeSuggest

Chargement

4 min

Le meilleur est-il toujours pour la fin ou comment déjouer l’effet de récence ?

Par Chloë Gaillot Publié le 14 mai 2024
Partagez cet article



Notre cerveau peut nous faire croire que le meilleur est toujours pour la fin. C’est souvent le cas lors d’un processus de recrutement qui s’étale sur plusieurs semaines. Lors de la prise de décision, nous avons tendance à accorder plus d’importance aux informations récentes tandis que nos premiers souvenirs se font déjà plus flous. En effet, notre mémoire va favoriser la dernière personne rencontrée. Ce phénomène, bien connu, s’appelle le biais de récence. Il joue un rôle primordial dans les processus de recrutement. Dans cet article, nous explorons ensemble les mécanismes de l’effet de récence et la manière dont les recruteurs peuvent minimiser son impact.

Et si le dernier candidat n’était pas toujours le meilleur ? Décryptage d’un cas pratique avec Joanna Bouy.

Joanna Bouy est coach en recrutement. Dans le podcast « Histoires de recruteurs », elle nous raconte son expérience de l’effet de récence à travers un cas concret : “ Lors de mon premier poste dans un cabinet de recrutement, j’ai adressé un tout nouveau type de métier que je n’avais jamais recruté auparavant, celui d’ingénieur en énergie renouvelable. J’étais alors en période d’essai et très motivée pour faire bonne impression auprès de mon client. J’ai rencontré une dizaine de candidats, le processus commençait à s’étirer dans le temps et je pensais que le client finirait par perdre patience. C’est à ce moment-là que j’ai vu le dernier candidat de ma liste. Celui-ci répondait bien aux questions, je n’avais aucun doute sur ses compétences. J’étais très impressionnée. J’ai alors décidé de le présenter au client qui l’a alors recruté. Ce fut un grand succès pour moi. Plus tard, mon client m’a de nouveau contacté car il avait des postes similaires à pouvoir et il souhaitait que je lui parle des autres profils que j’avais déjà rencontrés. Je me suis aperçue que j’étais incapable de le faire, pourtant il s’agissait de bons candidats. J’ai repris mes notes et les mails que j’avais envoyés au client à leur sujet. Force était de constater qu’il y avait beaucoup moins de détails et d’émotion par rapport au dernier candidat que j’avais finalement promu. Les notes étaient plus froides et incomplètes. J’ai même été obligée de les rappeler pour recueillir plus de détails. Certains n’étaient plus disponibles mais je me suis aperçue lors de cet autre échange que certains auraient pu être de très bons candidats pour le premier poste.“

Le cas de Joanna est tout à fait révélateur du biais de récence. En effet, après avoir rencontré plusieurs candidats, la mémoire de Joanna a inconsciemment privilégié et favorisé le dernier candidat rencontré… Le souci, c’est que les recruteurs ne s’en rendent pas forcément compte lors de leur prise de décision !

Comment Joanna s’est-elle rendue compte qu’elle était victime de ce biais ?

“La prise de conscience ne fut pas immédiate, car la personne que j’avais promue a été recrutée donc cela a plutôt validé mon jugement et ma façon de faire. Lorsque le client m’a rappelé, je me suis rendue compte alors que ma mémoire était beaucoup moins vivace s’agissant des autres candidats. Surtout, mes notes les concernant étaient à l’image de ma mémoire, c’est-à-dire beaucoup moins détaillées. C’est à ce moment-là que je me suis aperçue de mon influence à ce biais.”

Comment peut-on modifier son comportement ?

Voici les conseils de Joanna pour ne plus se laisser influencer par le biais de récence :

  • Être attentif aux émotions et à l’énergie que le candidat en face de vous vous procure. Il s’agit déjà d’un indicateur ;
  • Disposer d’un modèle de prise de notes structuré à utiliser pour chaque entretien. Il s’agit de la meilleure façon d’avoir la même qualité d’information pour tous les candidats ;
  • Laisser passer un temps entre le moment où nous recevons un candidat et le moment où nous devons le promouvoir auprès de notre client ;
  • Structurer son processus de recrutement. Il est en effet indispensable d’avoir des critères de sélection rigoureux et précis sur lesquels le recruteur va sélectionner et évaluer les candidats. Il se laissera ainsi moins piéger par l’émotion qu’une personne peut lui procurer ;
  • Accorder une grande importance à l’étape du brief. Cette étape permet de faire la part entre les compétences clés et celles qui sont moins utiles pour le poste. Un brief puissant permet de bien structurer toutes les autres étapes de recrutement.

Zoom sur l’entretien structuré

L’entretien structuré est la méthode qui permet aux recruteurs d’évaluer les candidats sur les mêmes critères. En l’appliquant, ils disposent ainsi de questions construites en amont, sur la base des critères de recrutement déterminés lors du brief. Ils vont ainsi pouvoir poser les mêmes questions dans le même ordre à tous les candidats. Cela leur permet de garantir une évaluation rigoureuse, éthique sans les empêcher de rester “humain”.  Les avantages de l’entretien structuré sont nombreux. Il permet également d’avoir une évaluation scientifique car la prédictibilité d’un entretien structuré est bien meilleure qu’un entretien qui ne l’est pas. Les recruteurs sont également moins sujet aux biais car cette méthode réduit leur impact. Elle garantit ainsi que tous les candidats sont traités de manière identique.

Les candidats peuvent-ils jouer avec ce biais pour influencer le recruteur ?

Certains candidats peuvent s’emparer de l’effet de récence pour marquer des points auprès des recruteurs et laisser une image positive. Dans ce cas, ils peuvent demander à passer en dernier pour essayer de les influencer. Cependant, ils peuvent également demander à être reçus en premier pour jouer avec un autre biais qui est celui de l’effet de primauté. Ce biais favorise la première impression ou la première personne rencontrée. Au cours de l’entretien, les candidats peuvent faire sortir leur expérience du lot en jouant avec ces biais. Par exemple, il est recommandé de toujours terminer un entretien en résumant ses points forts pour le poste et de rédiger ensuite un mail au recruteur après l’entretien pour le remercier et renouveler sa motivation.

Pour aller plus loin

Pour lutter de manière efficace contre les biais en général, il est indispensable de faire un travail en profondeur en formant les recruteurs et en faisant la pédagogie des biais. Joanna nous explique comment elle forme les personnes qu’elle accompagne : “ J’accorde de l’importance aux formations sur ce sujet. Je dédie au moins une journée sur l’évaluation et les biais cognitifs car ils sont liés. Pour leur faire prendre conscience de leurs biais, il est primordial de passer de la théorie à la pratique grâce à des exercices de simulation. Tous les recruteurs peuvent y être sujets, même après des années d’expérience. J’utilise ainsi des exemples concrets, issus du terrain et je partage des expériences d’autres recruteurs. Mes stagiaires se rendent compte ainsi qu’ils peuvent être victimes eux-mêmes de biais alors qu’ils sont des professionnels du recrutement chevronnés. Je leur montre les techniques pour les mettre en silence. Pour cela, je mène des faux entretiens pour expliquer les techniques de recrutement mais aussi les biais. Je peux aussi jouer à la fausse recruteuse. L’objectif du public est de repérer les biais dont je suis victime. Les personnes savent ce que sont les biais mais les voir s’exprimer devant eux provoque une prise de conscience et une remise en question de leur pratique. Ils ont une sorte de déclic qui les conduit à adopter l’entretien structuré. Sans ce déclic, il est difficile pour moi de leur montrer l’intérêt de cette méthode.”

En conclusion

Qui se souvient de ce qu’il a fait, il y a 30 jours ? Si notre cerveau peut se souvenir d’événements anciens, il n’est pas toujours évident de se rappeler avec justesse des moments vécus ou des personnes rencontrées il y a plusieurs jours. C’est souvent le cas dans des processus de recrutement qui s’étalent sur plusieurs semaines. Il est impossible pour les recruteurs de se rappeler avec exactitude de tous les candidats. Notre cerveau va donc inconsciemment nous amener à privilégier le dernier profil rencontré. Pour lutter contre ce biais, il faut d’abord co-construire un brief puissant et accorder de l’importance à la qualité de la prise de note. Se former aux biais est également fondamental. Pour cela, n’hésitez pas à tester gratuitement WeSuggest Academy pour mesurer votre influence à 7 biais mystères et découvrir les conseils de notre experte en Sciences Cognitives pour en limiter leur impact.

Prêt à
commencer ?

Créez vos campagnes de recrutement en ligne, optimisez votre temps et concentrez-vous sur l’essentiel : l’échange avec le candidat !
Demander une démo

Abonnez-vous !

Envie d’être au courant des dernières nouveautés WeSuggest ?
Inscrivez-vous à notre newsletter.