Parfois, les recruteurs peuvent défendre leur candidat préféré en ne prenant pas suffisamment en considération les réticences des managers. Ce comportement peut s’avérer contre-productif pour le recrutement. En effet, les doutes du manager ne vont pas disparaître et vont même biaiser son comportement vis-à-vis du nouvel embauché, augmentant alors le risque que celui-ci n’aille pas au bout de sa période d’essai. Ce phénomène, bien connu, est appelé la prophétie auto-réalisatrice : ce que j’avais prédit se réalise. Dans cet article, nous décryptons ce biais pour comprendre ce qui se joue dans un processus de recrutement quand le recruteur passe outre les réticences des managers.
Le biais de la prophétie auto-réalisatrice : cas pratique
Selon l’Université de Genève, la prophétie autoréalisatrice est : “une assertion qui induit des comportements de nature à valider cette assertion.” Le témoignage de Carole David, talent acquisition chez Murphy, pour le podcast « Histoires de recruteurs » de WeSuggest nous explique concrètement comment celui-ci peut s’exprimer à l’occasion d’un recrutement :
“Il y a quelques années, j’ai dû rechercher pour Louis Vuitton un profil pour intervenir sur plusieurs sites en Vendée. L’entreprise avait déjà lancé ses propres recherches depuis plusieurs mois mais n’arrivait pas à recruter. Au moment de cette demande, je venais de rejoindre un cabinet de chasseurs de tête à Nantes en tant que chargée de recrutement mais j’avais travaillé pour Louis Vuitton pendant 6 ans au sein des ressources humaines. Je connaissais donc bien leur activité. J’obtiens peu de retour quand une candidate finit par se présenter. Il s’agit d’une ancienne sportive de haut niveau avec une expérience en RSE qui est courte mais son enthousiasme, son agilité intellectuelle et son beau potentiel d’évolution nous séduit. Toutefois, le client émet des réserves sur la localisation du poste situé sur deux sites car il n’est pas certain qu’elle soit en mesure de le faire. J’argumente en sa faveur car je pense qu’ils n’auront pas de meilleure candidature sur le marché et je suis convaincue de son potentiel. Le client accepte de l’embaucher avec enthousiasme. La période d’essai se passe très bien. L’hiver arrivant, les déplacements deviennent plus difficiles pour la candidate, le poste finit par être relocalisé sur un seul site mais la relation s’est étiolée et la candidate quitte son poste au bout d’un an et demi.”
Dans cet exemple, les craintes du manager émises lors du processus de recrutement ont fini par se réaliser. Quand le problème est survenu, le client n’a pas cherché à aménager le poste dans l’immédiat. Il a plutôt réaffirmé les doutes soulevés lors du processus de recrutement et a souhaité que la personne respecte d’abord ses engagements avant d’agir. Son comportement a alors été guidé par le biais de la prophétie auto-réalisatrice ce qui lui a empêché de mettre des solutions efficaces en place rapidement. Comment empêcher que cette situation ne survienne ?
Comment améliorer la qualité du dialogue entre les recruteurs et les managers ?
Prendre en considération les craintes du manager
Afin de déminer ce biais, le recruteur aurait pu agir différemment. En effet, lorsque cette crainte a été soulevée par le client lors du processus de recrutement, le recruteur aurait pu mieux prendre en compte celle-ci en évaluant ensemble en amont les marges de manœuvre et les ajustements possibles entre l’entreprise et la candidate plutôt que de chercher à ce que celle-ci se plie à tout prix aux impondérables de l’entreprise. Le recrutement est une étape d’évaluation des risques. Il faut que le binôme manager / recruteur puisse travailler main dans la main pour les évaluer, avoir une vision commune du recrutement et des solutions possibles.
L’accompagner tout au long du processus de recrutement
La place du manager dans un processus de recrutement est crucial. Tout au long du processus de recrutement, son point de vue est légitime quel que soit son expérience ou expertise sur le sujet. Le rôle du recruteur est de l’accueillir dans cette démarche, de l’accompagner et de le faire progresser. Il doit chercher à comprendre le point de vue du manager et travailler avec lui dans une logique d’itération. Si le manager a un gros doute sur un candidat, ce n’est peut-être pas la peine de prendre le risque de le recruter dans l’immédiat. Le travail du recruteur est aussi de lui donner les moyens de faire évoluer sa perception si besoin notamment en s’appuyant sur des données du marché.
S’appuyer sur des données concrètes
En effet, partager des données avec le manager sur l’état du marché, de la concurrence et des profils pour le type de métier recherché est un bon moyen de partir sur de bonnes bases. Managers et recruteurs auront ainsi une vision commune des enjeux de recrutement avec à la clé un meilleur niveau de compréhension et de cohérence. Dans son témoignage, Carole David nous éclaire à travers un nouvel exemple :
“J’ai dû rechercher un poste de comptable à Paris pour le compte d’un client dans un marché particulièrement tendu. Afin de désamorcer l’effet de surprise en amont, j’ai réalisé une enquête sur le terrain pour montrer à mon client le nombre d’annonces similaires en cours avant de lui proposer des CVs. J’ai trouvé plusieurs centaines d’offres d’emploi similaires pour le même niveau d’expérience à Paris. Ensuite, j’ai sélectionné un échantillon de profils par rapport à l’expérience demandée afin de lui montrer qu’il était très courant d’avoir des expériences courtes et successives sur ce type de métier. En ayant conscience de ces faits, le client a bien voulu étudier des profils avec des séquences courtes. Il s’est ainsi rangé à mon avis sans que j’ai eu besoin de le convaincre.”
3 astuces pour bien faire fonctionner le binôme manager / recruteur :
- Faire prendre conscience aux managers de la réalité du marché à travers des données concrètes ;
- Faire remonter les arguments des candidats qui ont abandonné le processus de recrutement car les managers ne voient que ceux qui ont souhaité le poursuivre et n’ont pas conscience des raisons pour lesquels certains ne souhaitent pas s’y engager ;
- Avoir une discussion ouverte et authentique pour évoquer les doutes des managers, les évaluer et trouver ensemble des solutions.
Vous l’aurez compris : recruter un candidat qui ne convainc pas un manager est un pari risqué sur le long terme ! Aussi, si vous êtes conquis par un candidat, rien ne sert de forcer son embauche ou cela sera complètement contre-productif. Il est alors primordial de travailler à la construction d’un brief précis en binôme avec le manager en amont du lancement du recrutement. Cela vous permettra de vous appuyer sur les mêmes critères de sélection et favorisera ainsi un recrutement objectif.
Pour cela n’hésitez pas à vous appuyer sur des outils comme WeSuggest qui vous permettent d’identifier les bons critères à évaluer chez vos candidats et servira de base d’échange durant vos entretiens. Alors, pourquoi attendre ?
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